François DURIF

Artiste accueilli en résidence de novembre 1998 à janvier 1999.
François DURIF est né en 1968 à Clermont-Ferrand. Il vit et travaille à Paris.

François DURIF n’a pas d’autre intention que d’occuper sa place et d’encombrer le moins possible. Il avoue ainsi des préoccupations bien modestes, parfois presque évanescentes : fabriquer un chapeau, garder la chambre, se mettre en vitrine pour passer le temps, faire chuchoter une cocotte minute, lire, dessiner, écrire, rêver ou se protéger. Ce qui lui importe, ce n’est pas de représenter ou de cerner, d’éclairer ou d’opacifier, mais de laisser la trace infime et vouée à le rester d’une présence ou d’une action. Il refuse le spectaculaire, l’abus des procédés de rentabilisation, les phénomènes de standardisation de l’évidence et préfère s’en tenir à la vibration, à la dépense pure et à la trame la plus vulnérable d’une existence. De là son attention particulière pour le détail, l’écho et le résidu. Son univers décline donc l’élémentaire mais dans ce qu’il a de précaire et d’essentiel. Sans doute est-ce là une tentative de s’inscrire dans la substance du monde et de s’adresser aux autres. Sans doute aussi est-ce là une manière d’énoncer quelque chose de simple, peut être une forme de nudité qui implique cette fragilité qui laisse transparaître l’épreuve de la solitude.
François DURIF ne cherche pas à nous révéler des menus reliefs de vie mais tente d’en isoler de minuscules parcelles pour les exposer au regard comme des poussières d’histoires, des figures pulvérisées d’espace et de temps. Il pratique une sorte d’alchimie des indices de gestes et d’attitudes où chaque parcelle d’émotion s’apparente à une particule essentielle en circulation continuelle. Des particules comme des planètes en révolution pour rendre sensible des désirs et des humeurs, des investigations et des ruminations, des questions et des craquelures. François DURIF nous invite ainsi à suivre le cours de sa pensée dans ses plis et ses replis, ses accélérations et ses fluctuations, ses transparences et ses étrangetés. Une pensée qui, face à la destruction qui essaie de l’atteindre, oppose cette “exigence de discontinuité” dont on pourrait trouver une certaine proximité avec cette interrogation de Maurice Blanchot : “Pourquoi l’homme, en supposant que le discontinu lui soit propre et soit son oeuvre, ne révélerait-il pas que le fond des choses auquel il faut bien qu’en quelque façon il appartienne, n’a pas moins affaire à l’exigence de la discontinuité qu’à celle de l’unité ?”.

Didier ARNAUDET

 

(…) ce que je fais n’est plus le soulagement d’une tension, la forme définitive d’un certain état où je me trouvais, c’est un passage, un relais sur le chemin du retour à la signification ! (…) Le motif, c’est ce qui conduit de signification en signification.

L’homme sans qualités, Robert MUSIL

Ici a bel et bien lieu un déplacement, une mue et, sous la pression de la main et du corps tout entier, se précise une pensée qui, à un moment donné, s’ exile, s’ exhibe dans les plis et entrelacs en carton ondulé, et puis, occupe toute la place, tête et mains, mur et plafond. Quelque chose se délie et prend forme : vitres de son, mur qui grésille, ventre dur ou mou.
A partir de ce moment, il se démet de son chapeau, accepte de se présenter tête nue, et au mur se déplie à l’oeil une résille, une circulation, – ombre et mouvement en lesquels je consiste -, moule de l’ombre dans lequel la parole se love.
Si l’écart est une opération, alors il se permet de parler de lui à la troisième personne – à l’écart de celui que je suis.
Une brèche s’est ouverte durant son sommeil et aux mots ressassés se substituent une boucle, un pli, une agrafe, un clou…
Entre le geste et la parole, il cherche à son tour une expression qui modifie et module en lui un état de tension, une respiration, un souffle enfin qui le porte quelques pas plus loin, le pousse au défaut du langage, sien, sinueux, courbe, comme tu voudras.
A partir du moment où la soupape chuchote, à partir du moment où la parole achoppe, à partir du moment où son esprit se meut et laisse venir à lui le désir muet, le mouvement qui déplace les lignes…

Edition réalisée dans le cadre de la résidence à Pollen – Epuisée – Catalogue 16 pages + couverture – 21 x 16,5 cm
5 photographies
Texte : Didier ARNAUDET