LUCIE CHAUMONT

 

Artiste en résidence à Monflanquin de mars à juin 2004.


Née en 1976 à Médéa (Algérie). Elle vit et travaille à Paris.

(…) Comment comprendre cet attachement si fort au principe de ramener à la surface, de mettre à découvert ? Peut-être par désir d’intensifier des détails, des indices, par souci d’obéir à un impératif de vérification. Je le sais bien, creuser, faire apparaître, reconstituer, dans ces actions qui se répondent, le sentiment de familiarité n’est pas sans avoir avec le sentiment d’étrangeté d’évidentes analogies. Dans l’un comme dans l’autre, la même chose importe, c’est la qualité de la relation que nous entretenons avec le monde qui nous environne mais qui se révèle, à force de déductions et d’inductions. Ou bien il semble tout proche, ouvert, accessible et pourtant se referme, se refuse comme une énigme brutale. Ou bien, apparemment lointain, éloigné, incertain, il se découvre à portée de la main. (…) J’ai retrouvé hier dans mes notes cette phrase d’Italo Calvino : « Sous terre, rien ne se perd ou, du moins le maximum d’information est conservé. » ( …) Il ne s’agit pas de recréer les événements tels qu’ils se sont passés, mais de rester disponible aux éléments demeurés longtemps enfouis dans une zone obscure. Ils resurgissent sous forme de sensations, d’échos, d’images indécises. Il s’agit de retrouver les traces laissées par une vie, une histoire, un passé, transformées par le temps, la mémoire, l’imaginaire. La connaissance que l’on atteint ainsi inclut des éléments multiples sans exclure le mensonge. (…) Les données objectives, les documents d’archives font pour l’instant défaut. Les indications fournies sont éparses, morcelées, sans datation précise. (…) Comment évoquer cette impossibilité ? En disant d’abord ce qui paraît simple ou se dégage au moins raisonnablement de l’opacité. (…) J’avais déjà acquis l’habitude d’être confronté à une certaine ignorance, mais là, c’était tout autre chose. Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à bien saisir ce que j’ai ressenti à ce moment-là. L’impression de tomber tout à coup dans un trou noir. Au début, je ne voyais rien, puis mes mains commencèrent à découvrir des fragments, des débris, des signes. J’ai finalement compris que pour sortir de cette impasse, il me fallait apprendre à les assembler, les classer, les déchiffrer. (…) Il faut accepter le rapport difficile du sens et du non-sens pour comprendre ce qu’ensemble ils ne cessent de suggérer, sur deux points essentiels qui finalement n’en font qu’un. D’un côté, ces éléments éclatés qui peuvent paraître abstraits ou indéfinissables, sont aussi empreints d’une grande violence. De l’autre, ils sont encore, avec une singulière exigence, mot et image. (…) L’affaire est sérieuse, elle dépasse largement les questions de tempérament et de compétence. La discussion est inutile. C’est avant tout une manière de se débarrasser des problèmes. Je n’en démordrai pas. Il faut aller voir ce qui se passe concrètement dans toutes les strates du terrain. (…) On en arrive à des assimilations troublantes. (…) Je dirai volontiers que ce qui récapitule ces précieuses leçons tient en une seule prescription : être attentif non seulement aux constantes et aux motifs généraux, mais aussi aux petites insistances qui surgissent ici et là. (…) Je recompose l’éparpillé et donne forme à l’informe. Mais les énigmes résolues perdent aussitôt tout attrait, (…) fragments ajustés (…) faire basculer la perception (…) Au bout du compte, tout doit se passer comme si rien n’était advenu. (…) J’ai fini par céder, abandonner la partie. 

Didier ARNAUDET

Lucie CHAUMONT
Artiste en résidence à Monflanquin
de mars à juin 2004
Catalogue 16 pages couleurs – 16 x 21 cm . + Couverture et photographies couleurs
Epuisé
Texte : Didier ARNAUDET