ROMAIN RUIZ-PACOURET
« Untitled garden » ou « Il est bien étonnant qu’on ait pas vu se former l’art d’embellir le pays autour de son habitation »
Artiste accueilli en résidence du 15 février au 15 mars 2020 (cause confinement).
projet mis en ligne à découvrir ici !
Présentation du projet par Alexandre Kato et Romain Ruiz-Pacouret :
« Ce travail a été développé dans le cadre de notre résidence d’artiste à Pollen, initialement prévue du 15 février au 15 mai 2020, et donc pendant le confinement. Ces deux conditions se sont superposées et ont ensemble créé un espace-temps étrange et incertain, tant dans la production et la restitution que dans le sens même de nos recherches. La résidence s’est ainsi poursuivie à distance depuis nos lieux de confinement, et notre point de repère et de départ commun, l’espace entourant Pollen à partir duquel nous voulions réfléchir aux notions de territoire, de paysage et de jardin, en devenant inaccessible, s’est finalement étendu aux espaces vastes d’internet et des souvenirs. Nous avons visité par leur site Web des magasins de jardinage et de bricolage, y avons prélevé des images, des objets, des motifs, et avons traversé des jardins et des paysages autant dans nos archives photographiques personnelles qu’au travers d’articles, de revues en ligne, de livres ou de jeux vidéo. Ces « traversées » se sont faite en l’absence du corps, les parcs et jardins étant fermés et nos déplacements limités. Seul espace accessible, le supermarché devient aussi l’une de nos ressources, un lieu dans lequel nous projetons l’expérience de la promenade.
Jardins et paysages méritent […] d’être envisagés dans leurs dimensions in situ et in visu — parce que, précisément, ils sont destinés à être vécus et vus. Les dispositifs paysager et jardinier doivent ainsi compter avec un paysage ou un jardin (objets), un « paysage » ou un « jardin » (représentés) ; mais aussi avec des concepteurs aux savoir faire multiples et différenciés (paysagiste, jardinier, architecte, artiste, entrepreneur…) qui agissent tant sur le « vu » que sur le « vécu » ; mais aussi un spectateur (axant sur la catégorie du « voir ») ou un promeneur (axant sur les catégories sensibles dont le « voir » n’est qu’une modalité) qui voient et qui vivent paysages et jardins. 1
Comment rendre compte du vécu, de l’expérience du déplacement dans un jardin sans y être présent ? Lors d’une visite, la première image que nous avons est bien souvent globale : c’est le plan qui nous est remis à l’entrée. Cette vue d’ensemble synthétise les différents éléments constitutifs du jardin et donne les informations principales. C’est une première visite en soi, ou une pré-visite. C’est ainsi que s’appréhendent les « jardins à la française » qui furent réalisés sur d’immenses superficies au terrain remodelé et aplani tout autour des demeures. 2 Cette planéité s’explique par leur origine même, un dessin reprenant les broderies effectuées sur les riches tissus et les dentelles. 3 Les jardins français de l’époque moderne (Art déco) tendaient à être en deux dimensions et demi plutôt que de réelles compositions spatiales, […] des compositions qui s’abordent par la vision plus que par l’expérience, […] faits d’un seul instant. 4 Ainsi, s’applique la première vue sur notre «jardin Web».
Le jardin de type kaiyûshiki, jardin-promenade, est pensé complètement différemment : il est construit de telle sorte que l’on ne puisse de nulle part l’embrasser d’un seul regard. […] Le jardin-promenade n’est pas un tableau dont on peut saisir simultanément tous les détails ; il est comme un livre dont les pages doivent être tournées successivement. 5 Le déplacement des promeneur·euse·s est pensé comme l’élément constitutif de ce type de jardin. Les paysages se succèdent, apparaissent et disparaissent au fil de la progression. En reprenant l’idée de pages, nous avons multiplié les points de vue en isolant ainsi chaque élément (lorsque l’on clique dessus). Un autre trait caractérisant le jardin-promenade est son pouvoir évocateur. […] Les jardinistes ne cherchaient pas à reproduire les sites avec fidélité ; ils réduisaient le nombre des éléments et schématisaient le paysage. 6 Nos recherches (photomontages et dessins) ont ici un statut ambigu. Elles sont pensées à la fois comme des sculptures autonomes et les paysages même qu’elles représentent. »
Séminaires Paysage et Jardin : Un Autre Regard Sophie Houdart
Les plus beaux jardins de France
Ibid.
French Visions in the Modern Garden. Dorothée Imbert, citée dans Réinventer la sculpture de jardin. Autour de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels, Paris 1925 Louis Gevart
Les jardins japonais : principes d’aménagement et évolution historique François Berthier
Ibid.
Edition réalisée dans le cadre de la résidence à Pollen – Epuisée –
Plaquette 4 pages – 21 x 29,5 cm
3 photographies