« Relevé d’identité » de Dominique DELPOUX

Lors de sa formation à l’école de photographie, Dominique DELPOUX réalise dans les années 90, une série de portraits sur les anciens mineurs de Carmaux. Des couples de retraités posent, droits et immobiles, dans le décor de leur univers intime. Ils se tiennent pudiquement la main, simplement installés l’un à côté de l’autre. Le chien est parfois associé à l’événement photographique… A travers la distance instaurée par le cérémonial, la mise en scène et le cadrage, les clichés de Dominique DELPOUX nous révèlent avec pudeur et simplicité une identité particulière du corps, nourrie du temps et de l’environnement.

« De mes portraits de couples, je retiens ces visages de conjoints unis jusqu’à la ressemblance physique ».

Les empreintes, les traces perceptibles sur ces corps marqués par des standards sociaux nous troublent. Ces inconnus ne nous sont pas étrangers. Nous connaissons ce mobilier, l’histoire de cette pendule, ces motifs de tapisserie et le temps qu’ils nous racontent. Un temps qui dissout l’identité, fait fusionner les corps, les impriment de marques sociales, de « l’autre ». 
Prolongeant son travail sur la ressemblance physique entre deux personnes, Dominique DELPOUX décide de photographier des jumeaux, associant ceux vivant ensemble sur une même photographie et dissociant ceux vivant séparément.Les similitudes et les correspondances entre les clichés, fortuites ou recherchées, sont surprenantes.
L’œil se perd ou s’amuse à trouver ce qui réunit ou dissocie ces corps dédoublés comme dans un miroir.
Pourtant, si nous sommes attentifs aux détails de ces visages, des variations se dessinent petit à petit entre les deux personnes. Le travail de Dominique DELPOUX nous interroge sur l’identité mais autant sur le mimétisme que sur la différence affirmée ou gommée dans nos existences.
Suite à une commande, il réalise en 1997 une série portraits d’ouvriers au travail sur le chantier du futur Théâtre National de Toulouse.

« Dès mes premières visites, je constate combien en fin de journée les corps et les esprits sont marqués. Tout naturellement, la question du moment où le portrait est pris se pose. 
Dans la logique des travaux précédents, je prends une photographie le matin alors que la personne s’apprête à travailler et une autre le soir avant qu’elle ne quitte son lieu de travail. Afin de pointer les variations, les deux photographies sont présentées conjointement ».

Au delà de l’événement, de l’anecdote, ces clichés nous soulignent là aussi les variations d’une identité qui s’établit au fil du temps, de la journée même.
En 1998, Dominique DELPOUX photographie les ouvriers de l’industrie textile à leur poste de travail puis dans le cadre de leurs loisirs ou de leur intimité.
Des diptyques présentent deux « réalités » qui laissent aux sujets la maîtrise de leur image en les laissant choisir la manière dont ils souhaitent être représentés.
Il renouvelle l’expérience en 2000 avec la réalisation de portraits d’étudiants du Centre de Formation d’Apprentis Agricoles d’Orthez ou chacun expose sa singularité au-delà de ce qui le rattache à sa catégorie socioprofessionnelle.

« Ces images confirment cette tendance de l’individualisation de l’homme, du désir de mettre en avant sa singularité tout en montrant le cadre uniformisant auquel il est quasiment impossible d’échapper. Une seule image suffira bientôt pour nous représenter tous, tous différents et identiques à la fois ». (Ronan Le Régent)

Sans être politique, le travail de Dominique DELPOUX n’en contient pas moins une dimension sociologique. 
Usant des codes de représentation du corps, et de l’outil photographique comme d’un « prétexte » il rassemble des traces, des cicatrices, une sorte de collection de tatouages qu’imposent le temps et la vie à nos existences.
Sans grandiloquence, sans morbidité, avec modestie et respect Dominique DELPOUX nous parle de la condition humaine, de notre chair, de la mort aussi.
Aucun voyeurisme dans son travail. Les clichés révèlent dans leur multiplication, la maîtrise des intentions sans trahir une manipulation.
Jumeaux, doubles, similitudes, les clichés sont eux-mêmes des miroirs de notre propre corps.
Les regards se croisent. Celui du photographe, ceux des couples, des jumeaux, des ouvriers… le nôtre aussi, qui perçoit l’humanité et la sensibilité contenues dans ce travail.

Denis DRIFFORT

L’ exposition « relevé d’identité » de Dominique DELPOUX a été organisée à l’initiative de L’ODAC / Office d’Action Culturelle de Lot-et-Garonne et de l’association Pollen / artistes en résidence à Monflanquin.
Elle a circulé en Lot-et-Garonne durant l’année 2002, auprès d’un réseau de lieux et d’opérateurs départementaux susceptibles d’accueillir régulièrement des actions de diffusion dans le domaine des arts plastiques.
Pensée dans une logique de diffusion départementale, l’exposition a été modulée, complétée ou adaptée à chaque lieu d’exposition de manière à personnaliser chacune de ses présentations.
Elle a été complétée d’un programme de sensibilisation et d’éducation artistique développé par le service Médiation de l’association Pollen. (visites guidées, ateliers de pratiques artistiques, conférences…)

– Monflanquin à Pollen du 19 novembre au 28 décembre 2001
– Monsempron-Libos au Château Prieural du 2 février au 3 mars 2002
– Nérac à la Galerie des Tanneries du 15 mars au 15 avril 2002 
– Villeneuve-sur-Lot. au Musée de Gajac du 30 avril au 20 mai 2002

Dominique Delpoux – Relevé d’identité
Catalogue Monographique – 28 pages couleurs + Couverture – Epuisé
16 x 21 cm
33 photographies couleurs
Textes ODAC / Inspection Académique / POLLEN