Nathalie SIX

Artiste accueillie en résidence de novembre à février 2001.
Née en 1972. Vit et travaille à Rennes.

 

À quoi ressemble le tour de la ville ? à une ligne constituée de façades, de rues, de fenêtres, de portes, de vitrines, d’arbres, d’herbes, de fleurs, de grilles, de haies, de rumeurs, de bribes de scènes, de choses et de gestes usés par l’habitude, à une ligne qui décide d’un intérieur et d’un extérieur, d’un regard qui s’ouvre, s’envole ou se replie, se recentre, une ligne qui avance, développe une sorte de réseau parcouru de résonances, ponctué de nœuds et d’interférences, dans un échange de volumes, de couleurs, de lumières plus ou moins scintillantes ou plates, une ligne qui tourne autour d’une figure difficile à définir, qui n’est pas sûre d’elle-même et préfère rester dans une certaine hésitation mais qui flotte avec assez d’insistance pour qu’on la prenne en compte. Nathalie S. convoque le réel dans l’espace d’un quotidien qui révèle sa banalité et sa fragilité. Si elle insiste sur ce quotidien, c’est pour pointer sa capacité de résistance à toute tentative d’appropriation mais aussi l’incertitude constante qui entoure son existence. La recherche d’une matérialité brute, dérisoire oriente le regard en direction d’une fiction insaisissable. Dans son atelier, Nathalie S. n’affirme rien, n’esquive même pas le vide, l’attente. Pas question d’une attitude plus offensive, enveloppante. Conteur laconique : l’évier. Des fantômes contrôlables : les éponges. La prise de courant : faire chauffer de l’eau pour le thé. Par prudence, on cède à l’imaginaire. On se contente d’une consistance incertaine mais sans doute périlleuse. Nathalie S. scotche au mur une carte postale. Elle pose contre le mur deux tabourets bleus entre deux fenêtres. Elle déplace, agence un matelas, un parasol, une table, un socle et des chaises. On suppose qu’elle décrète entre eux une certaine entente. Aucun commencement, aucune fin. Pas de nœuds, pas de dénouement. Des menus événements, des gestes anecdotiques. Passage du dedans au dehors. La même posture de témoin. Nathalie S., son affaire c’est d’être là, face aux alternances de l’évidence et de l’énigme, face à l’obstacle de la moindre présence. La ronde des brouettes : quelque chose qui s’en retourne à l ‘enfance. Une rue, la nuit. Des passants qui redeviennent fluides. Des enseignes qui clignotent. Une cloche qui sonne. La ville qui soudain prend ses précautions. Contre qui se protège-t-elle ? Le rond-point, les oiseaux, le chien qui aboie et les voitures : on se cache, on veille, on mâche la matière anodine du temps qui passe. Le facteur qui siffle, le camion orange qui recule, les pigeons : un presque rien qui s’embue volontiers et intrigue. L’arbre énigmatique, la côte, des voitures qui montent, descendent et cette curieuse impression ni acidulée ni neutre. Nathalie S. ne cherche pas la tension décisive qui définirait la situation, l’action, le moment. Elle ne se risque pas non plus à une sorte de neutralité. Elle s’en tient à ce mince fil qui nous lie tout simplement à la transparence des infirmes mais nécessaires vibrations du monde et de ses possibles images.

Didier ARNAUDET

Nathalie SIX
« à Monflanquin il y a neufs rues »
Artiste en résidence à Monflanquin
de novembre 2000 à février 2001
Catalogue 16 pages couleurs – 21 x 16 cm .
( Couverture dépliant en 4 volets)
8 photographies couleur
Textes Didier ARNAUDET / Nathalie SIX »