Sebastian GORDIN

Artiste en résidence de novembre 1995 à janvier 1996

 né  en 1969 / vit et travaille à Bueno Aires

 Sebastian Gordin revendique un registre qui a toujours été tenu éloigné des critères de légitimation culturelle : celui de l’émotion, de l’invraisemblable, de l’horreur des excès caricaturaux et des péripéties milles fois répétées.

Il se situe dans la lignée des maitres de la série B comme Roger Corman ou Edward D. Wood Jr , de « l’esthétique de l’énergie » des séries télévisées comme « Zorro » ou « Batman », des manipulateurs des monstres venus de l’espace , de zombies cannibales, d’apparitions douteuses ou de pures héroïnes vouées à un destin tortueux mais aussi des lointains créateurs   de lanternes magiques et de boîtes d’optiques avec qui, dès le XVII° siècle, on quitte le domaine de la science et de l’astronomie pour entrer de plain-pied dans celui de l’artifice, de la comédie, du merveilleux et de l’illusion.

Comme ces artisans du pathétique, du cliché et du télescopage des genres et des situations, il a ce sens pratique de l’invention, de l’élégance du bricoleur amateur et cette capacité à développer une idée par minute et à tirer le meilleur parti de ce qu’il a sous la main.

Il réalise des mises en scène inclassables, entre la scène quotidienne, banale et l’irruption presque accidentelle de l’intrigue rocambolesque, des sortes de maquettes et de décors liés à l’univers de la science-fiction ou de la zone crépusculaire, des boîtes à fiction et des machines à vision où, à travers un oculaire, se donne à voir une réalité fantasmagorique.

Sebastian Gordin utilise une technique proche du « serial », c’est-à-dire du film d’action des années 50, découpé en épisodes et projeté chaque semaine, en avant programme dans les salles de cinéma.

Il exploite la matière du suspense, de l’attente entretenue, de l’interrogation incisive.  Il ne raconte pas une histoire mais en livre un détail, un décor, des personnages, une situation insolite, amusante ou une action inquiétante, périlleuse pour le héros. L’œuvre fonctionne ici un peu comme la couverture d’un « pulp magazine » : elle se donne d’emblée comme un appel à rompre avec l’ordre quotidien et à s’inscrire dans le jeu annoncé d’une mécanique narrative.

Sebastian Gordin n’a aucun problème à s’approprier ce mode mineur et à en rester à son mauvais genre. Ce qui compte, c’est d’abord de solliciter, de la manière la plus économique, les dimensions les plus spectaculaires du danger, de l’horreur, de l’humour, ou du mélodrame, d’autoriser les rencontres les plus inattendues et de convoquer les personnages les plus emblématiques.

La puissance de cet art sans noblesse résulte de son exigence à générer un imaginaire autonome et à l’exprimer dans une forme appropriée et cohérente.

Didier Arnaudet

 

Edition réalisée dans le cadre de la résidence à Pollen – Epuisée –